mardi 21 juin 2011

Je me souviens

Fête nationale 2011
Regards sur l'histoire
C'était en 1964.

L'afficheur hurle (extrait)

à ceux qui t'accuseront d'emboucher les trompettes
patriotiques tu répondras qu'un pays de mauvais
aloi est ton mal et ta mort
est-ce ma faute à moi si je souffre d'une terre à naître
d'une terre occupée
d'un mal qui est le bien des autres
d'une mort qui nourrit la vie des autres
oui je sais les vraies blessures ont la noble démesure
d'un vin malheureux elles sont belles elles émeuvent
et nos blessures sont grises muettes elles sonnent faux
est-ce ma faute à moi si nous mourons de vivre à demi
si notre malheur est la demi-vérité de notre confort
nous n'aurons même pas l'épitaphe des décapités des
morts de faim des massacrés nous n'aurons été qu'une
page blanche de l'histoire
même chanter notre malheur est faux d'où lui tirer
un nom une musique
qui entendra nos pas étouffés dans l'ornière américaine
où nous précède et déjà nous efface la mort terrible
et bariolée des peaux-rouges
en la ruelle Saint-Christophe s'achève un peuple jamais
né une histoire à dormir debout un conte qui finit
par le début
il était une fois... et nous n'aurons su dire que le
balbutiement gêné d'un malheureux qui ne sait
nommer son mal
et qui s'en va comme un mauvais plaisant honteux
de sa souffrance comme d'un mensonge


Paul Chamberland, poète québécois
Extrait de « L'afficheur hurle »
Éditions Parti Pris
Collection Paroles 2, 1964 (réédition 1969)


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