mardi 27 novembre 2012

Montreal, second largest French city in the world


À ceux et celles qui, au Canada anglais, se plaignent de la « rigueur » de la Loi-101-diluée-par-la-Cour-suprême, il conviendrait de rappeler que jusqu'aux années soixante, et même jusqu'à la timide Loi 22 de Robert Bourassa et l'effort plus musclé du gouvernement Lévesque dans les années 1970, le français était littéralement bafoué dans plusieurs régions du Québec. René Lévesque parlait d'une certaine classe d'Anglo-Québécois comme de Rhodésiens...

En 1900, les francophones étaient obligés de commander leurs billets en anglais dans les tramways de Montréal. Et que penser aujourd'hui de cet extrait de la revue Vie française, publiée à Québec, à l'automne 1951 : « La ville de Québec vient de franciser son corps de police. Les gardiens de la paix seront désormais commandés en français. Espérons que cette décision incitera Montréal à en faire autant. » Ce ne sont que quelques exemples d'une situation répandue. Quand les années soixante sont arrivées, avec une jeune génération disposée à s'affirmer, le choc a été brutal.

C'est dans ce contexte d'affirmation collective que le RIN (Rassemblement pour l'indépendance matinale) a publié le 1er décembre 1965 un numéro spécial sur l'unilinguisme anglais à Montréal. On notera l'emploi de l'expression « nation canadienne-française » par Pierre Bourgault. L'appellation « nation québécoise » restait à venir. Bourgault parle encore de Canadiens français pour décrire les Québécois francophones.

Le texte - comme ce numéro spécial de la revue L'indépendance - a une valeur historique, si ce n'est que pour offrir un point de repère, ou dresser un bilan du chemin parcouru, et de la menace qui pèse toujours sur la langue française dans la métropole. À chacun de porter son jugement.





ÉDITORIAL DE PIERRE BOURGAULT
NUMÉRO SPÉCIAL DE LA REVUE L'INDÉPENDANCE, 1ER DÉCEMBRE 1965

« Ainsi M. Wagner (Claude Wagner, alors ministre dans le gouvernement Lesage) est contre la priorité du français au Québec. Il en est de même pour Mme Claire Kirkland-Casgrain (elle aussi ministre dans le même cabinet).

« M. Wagner a, lui, des motifs d'une noblesse exemplaire pour expliquer son attitude : il compte un grand nombre d'anglophones parmi ses électeurs (il était député de Montréal-Verdun), donc...

« M. Wagner, pour se faire élire, est prêt à sacrifier la nation canadienne-française. Il ne s'en cache même pas. En homme franc et honnête qu'il est, il étale sa lâcheté à la face de tous.

« Mme «Kirkland», pour sa part, a sans doute les mêmes motifs, puisque la composition ethnique de son comté (elle était députée de Jacques-Cartier) fait une large place aux anglophones. Mais elle ne le dit pas. Ce qu'elle nous dit c'est que nous devons donner l'exemple au reste du Canada, que le bilinguisme c'est bien beau, et bla, bla, bla...

« Sous ce manteau de vertu, elle oublie de nous dire que son bureau de Jacques-Cartier n'affiche qu'une enseigne en anglais, « office ».

« Devant de telles aberrations nous avons décidé de publier un numéro spécial sur l'unilinguisme à Montréal. Non pas l'unilinguisme français, mais bien l'unilinguisme anglais que nous retrouvons partout dans « la deuxième ville française du monde ».

« Il est impossible surement, à moins qu'ils soient parfaitement idiots, que MM. Wagner et Lesage, que Mme Kirkland n'aient pas constaté cet affront fait aux Canadiens français.

« Ils ne s'en étonnent même pas. Et au lieu de fustiger les anglophones pour leur manque de « bilinguisme » ils s'en prennent à ceux qui veulent faire respecter la langue de la majorité au Québec.

« Nos reportages ne donnent pas une véritable idée de la situation. La situation est bien pire encore. Mais nous avons quand même voulu démontrer que les souhaits pieux de nos gouvernements ne mènent à rien.

« Montréal est souvent presque aussi anglaise que Toronto et New York.

« Le RIN, depuis toujours, réclame l'unilinguisme français au Québec. Cela doit faire l'objet d'une loi.

« On dira que la loi ne changera pas la réalité. Et bien sûr on aura raison si on pense au genre de loi qu'on a faite dans le cas des détaillants en alimentation, où la sanction est si faible qu'il en coûte moins cher de transgresser la loi que de s'y conformer.

« Nous parlons de sanctions sévères, qui pourraient aller jusqu'au retrait du permis d'exploitation s'il s'agit d'un commerce.

« Certains prétendront que cela contribuera à faire fuir certaines entreprises installées chez nous.

« Cela n'est que du sentiment. Ce qui est vrai, c'est que ces gens font de l'argent et que tant qu'ils en feront, ils resteront même s'ils doivent le gagner en français.

« Il est temps que nous exigions le respect de notre langue et que nous « forcions » tout le monde à la respecter.

« Et que M. Lesage ne vienne pas nous répéter des sottises comme celle qu'il a proférée dernièrement : « Même la France n'est pas unilingue », s'est-il écrié.

« Il nous prend pour de parfaits imbéciles, ma foi.

« M. Lesage, que vous aimiez ça ou non, la France est unilingue française, l'Angleterre est unilingue anglaise, la Suède est unilingue suédoise, etc.

« Ce qui ne les empêche pas de pratiquer d'autres langues et d'avoir des relations internationales, bien au contraire, mais les Français travaillent chez eux en français, les Anglais en anglais, les Suédois en suédois, etc.

« C'est tout ce que nous réclamons pour les Québécois.

« Nous avons le droit nous aussi de vivre dans une situation normale. »

Pierre Bourgault


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