mardi 22 janvier 2013

WE, THE PEOPLE. BARACK OBAMA À SON MEILLEUR !

Avez-vous écouté, hier, 21 janvier 2013, le discours inaugural du président Barack Obama? Qu'en avez-vous pensé? J'ai lu ce matin des comptes rendus et quelques éditoriaux glanés ça et là. Des textes descriptifs et des analyses informées, le plus souvent dénués d'émotion, présentés avec une réserve toute journalistique. J'ai ressenti une curieuse insatisfaction. Parce qu'hier, en voyant et en entendant Barack Obama, j'avais été ému par ses paroles et par son éloquence.

Depuis mon entrée en journalisme en 1969, j'en ai lu et entendu, des discours politiques, et j'ai développé la carapace parfois cynique qui vient avec ce métier. Mais de temps en temps, survient une personnalité exceptionnelle, un orateur inspirant, un texte riche qui ravive l'idéalisme trop souvent sommeillant en chacun de nous. Le discours inaugural d'hier touchait aux valeurs fondamentales qui doivent inspirer l'action politique en démocratie - l'égalité, la justice, la liberté, la solidarité - et donnait chair à l'essentiel trait d'union entre histoire, présent et avenir.

C'était le discours d'un chef d'État. Et du chef d'État d'une république, avec son « we, the people » omniprésent. Nous ne sommes pas ici au Canada où le gouverneur général (au nom de la reine) parle de son gouvernement en employant le « Nous » impérial... « Notre gouvernement sera ici pour tous les Canadiens », disait le vice-roi dans le discours inaugural de 2012. La royauté « au service » de ses sujets... Aux États-Unis, le langage est inversé. Le président est élu par le peuple et l'incarne. « Nous, le peuple... »

Il n'y a pas chez nous de dirigeant qui puisse tenir ce langage. Au Québec, le chef d'État est Élizabeth II (représentée par un miteux lieutenant-gouverneur) et notre première ministre, à titre de chef de gouvernement, dirige un demi-État dont le peuple est soumis - en toute matière fédérale - à la volonté d'une majorité qui lui est étrangère. Il serait impossible pour Mme Marois de présenter à la population et au concert des nations un discours inaugural comme celui de M. Obama. Sur le plan politique mondial, à toutes fins utiles, nous existons à peine...

Mais revenons au président Obama. Le fil conducteur du discours, le « we, the people », sert d'assise à sa vision du pays et du monde. Il ne cache pas les défauts, les imperfections, les injustices qui ont marqué l'histoire. Il rappelle l'esclavage, la discrimination contre les femmes et les homosexuels, la violence et la guerre, et en tire des enseignements pour les générations futures. Il tisse une toile. Une vision. Il énonce les principes qui doivent inspirer l'action à prendre.

Et tout ça au nom de l'égalité. Pas ici de trace de bienveillance d'un monarque qui répand la bonté sur des sujets. Ni de la « charité » des riches qui laissent les pauvres ramasser les miettes de leur table. « Nous devons être source d'espoir pour les pauvres, les malades, les marginalisés, les victimes de préjugés --- pas au nom de la seule charité, mais parce que la paix en notre temps exige le progrès constant des principes que décrit notre croyance commune : tolérance et opportunité, dignité humaine et justice. » L'égalité des humains, l'entraide fondée sur la solidarité.

Devant les durs choix économiques, il érige en rempart les mêmes valeurs, comme guide, comme ligne directrice, comme phare, comme  repère. « Nous rejetons la croyance que l'Amérique doive choisir entre les soins à la génération qui a bâti ce pays et l'investissement dans la génération qui construira son avenir. (...) Les engagements que nous prenons envers chacun de nous (par l'assurance-maladie et la sécurité sociale) ne sapent pas notre sens d'initiative; ils nous renforcent. (...) Ils nous libèrent pour que nous puissions prendre les risques qui font la grandeur de ce pays. »

D'un bout à l'autre du discours inaugural, le message est un appel à repenser les valeurs qui servent de fondements à nos actions individuelles et collectives. Il demande à tous, toutes de répondre à l'appel de l'histoire. De regarder au delà des intérêts personnels et de percevoir aussi l'intérêt collectif. La liberté de chacun, rappelle-t-il en évoquant la mémoire de Martin Luther King, est inextricablement liée à la liberté de tous les humains de la Terre.

J'ai déjà entendu des propos semblables auparavant, mais pas ainsi assemblés, et surtout pas d'un président contemporain des États-Unis. Puis j'ai compris le sentiment qu'il m'inspirait quand il a dit, à la fin de son discours. « Ce sont les mots de citoyens, et ils sont notre plus grand espoir. Vous et moi, comme citoyens, nous avons le pouvoir de tracer la voie de ce pays. Vous et moi, comme citoyens, avons l'obligation de façonner les débats de notre temps - pas seulement par les bulletins de vote que nous déposons mais aussi par les voix que nous élevons pour défendre nos plus anciennes valeurs et nos idéaux les plus durables. »

Nous sommes tous citoyens, et il est grand temps d'agir en conséquence. Bravo, M. Obama. Je sais que vous ne pourrez réaliser votre programme, le contexte politique étant ce qu'il est. Mais les actions imparfaites sont meilleures que l'inaction. Et vos paroles resteront. Et, je l'espère, inspireront.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire