mercredi 11 septembre 2013

Arthur Buies à son meilleur...

Le journaliste Arthur Buies lança en 1868 un journal appelé La lanterne, dans lequel il publia certains de ses textes les plus virulents contre la monarchie britannique et, surtout, contre le haut clergé canadien (et l'évêque de Montréal, Mgr Bourget, en particulier).

Ce dernier avait ordonné la soumission à peu près inconditionnelle des Canadiens français à l'ordre établi dont il se faisait le collaborateur, même devant la répression britannique. Il avait excommunié des patriotes, appuyé l'Union des Canadas en 1840 en dépit de l'interdiction de la langue française, et menacé des foudres de l'enfer tous les libre-penseurs qui auraient voulu favoriser l'éducation populaire et qui faisaient la promotion de la démocratie - y compris la séparation de l'Église et de l'État.

La plume acérée d'Arthur Buies n'a pas son équivalent aujourd'hui, et son engagement était sans équivoque. « Il n'y aura pas de progrès possible pour le Canada (comprendre ici Québec) tant qu'il ne sera pas affranchi du contrôle clérical et du gouvernement clérical », écrivait-il dans La lanterne.

Pour ces propos, et bien d'autres, il a été l'objet des anathèmes de Mgr Bourget et de la condamnation du cardinal Taschereau, raconte l'écrivain Joseph Costisella dans son livre (thèse de doctorat) de 1968, L'esprit révolutionnaire dans la littérature canadienne-française.

Dans le passage suivant, cité par M. Costisella, il est au sommet de son art. Je me permets de le reproduire en entier :

« Qui a fait de nous un peuple sans caractère, sans vertus, sans opinions, sans idées, inepte, et sourd? C'est l'ignorance systématique dans laquelle le clergé nous a maintenus.

C'est l'évêque de Montréal avec ses jésuites attirés ici par l'odeur de la proie, et puis suivis bientôt par le séminaire et les prêtres de ce diocèse, âpres à la curée, acharnés aux bribes.


Les jésuites, avec leur Union catholique, avec leurs confréries, leurs pratiques bigotes, leur doctrine d'artifices, leur principe d'autorité qui ne fait que des hypocrites et des lâches; eux, avec leurs intrigues incessantes, leur humilité ambitieuse, leur flexibilité perfide, ont petit à petit fait entrer dans tous les coeurs le poison qui les nourrit. Partout chassés, exécrés, maudits, ici ils trônent, ils grandissent, ils règnent.


Assez, assez, la colère monte à mon front, et le dégoût à ma lèvre.  Mais je vous clouerai, faquins, au pilori de l'histoire. Lutte à mort, lutte à mort entre nous; car jamais ne tombera de mes mains le fouet dont j'ai labouré vos faces de pieuvres.


Et voilà que ces chancres avides, ces sangsues venimeuses veulent encore nous arracher ce qui reste de jeunesse libre ! Ah vraiment ! Eh bien, venez ! »


Il fallait une bonne dose de courage pour oser affronter ainsi la hiérarchie catholique, dont la main lourde contrôlait à la fois la vie sur terre et les portes du ciel... Il y aurait des parallèles intéressants à établir entre le vécu de l'époque de Buies et les débats contemporains sur la laïcité...


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