dimanche 18 mai 2014

L'école Saint-François d'Assise… celle de la rue Stirling!

                           Vue de l'école, sur la rue Stirling

1.
Récemment, fin avril, en roulant sur la rue Scott, à Ottawa, je regardais du coin de l'oeil ce qui avait été jadis l'école Saint-François d'Assise, sur la rue Stirling (angle Scott). J'ai remarqué que le terrain était clôturé et que des travaux de démolition avaient été entrepris. J'ai cru un moment que l'édifice de trois étages n'en avait plus pour longtemps mais après vérification, il semble devoir s'intégrer à un projet de condos qui comprend entre autres une tour controversée de près de 20 étages…

Il est bon de rappeler, au moment où l'édifice est sur le point d'être radicalement transformé, que cette ancienne école a desservi la communauté franco-catholique de Hintonburg et Mechanicsville pendant 50 ans, de 1933 à 1983, avant de devenir un centre autochtone (1983-2013) et d'accueillir, d'ici peu, les copropriétaires des condos qui arpenteront ses couloirs… J'ai fréquenté cette école de  la 1ère à la 3e année, de 1952 à 1954, jusqu'à l'ouverture d'une école primaire «bilingue» dans le quartier voisin de Mechanicsville (l'école Notre-Dame des Anges).

Mes souvenirs sont vagues de cette grande structure de briques. On en avait entendu parler par mon père et quelques-uns de nos oncles, qui l'avaient fréquentée avant nous dans les années 1930 et 1940. Ce qu'ils nous en disaient n'était pas de nature à nous rassurer. Les Frères du Sacré-Coeur, du moins certains d'entre eux, imposaient une discipline physique et brutale, avec la «strappe» et même, à l'occasion, avec leurs poings. Il faut dire que c'était une école de gars et que plusieurs de ces jeunes, rendus à la fin du primaire, étaient presque de taille à se battre avec les frères.

Le quartier avait sa bonne part de durs à cuire, et les batailles n'étaient pas rares entre les gars de «Mechanics», le quartier plus pauvre, et les gars de St-François (Hintonburg), qui vivaient du côté un peu plus à l'aise de la voie ferrée. Mon père avait évoqué des combats au couteau entre gars quand il était jeune… Et tout ce monde, les doux comme les durs, se retrouvaient dans le creuset de l'école Saint-François. J'ai entendu à plusieurs reprises (des gens de la génération de mes parents) l'histoire d'un combat épique en classe, où un adolescent costaud avait assommé à coups de poings le frère enseignant qui lui avait asséné une taloche de trop…

Nous (mon frère et moi) n'avons jamais connu ce genre de discipline. Nous étions, de toute façon, obéissants à un si jeune âge, ayant été bien dressés (et sans doute avertis des conséquences) par nos parents. Il faut dire, par ailleurs, que mon père avait informé le frère directeur de ce qui lui arriverait si jamais on sortait le martinet contre ses fils… enfin vous pouvez deviner le reste… Nous avions des enseignantes laïques de toute façon, et mes souvenirs de l'école sont généralement bons, surtout que c'est là que nous pouvions voir tous nos amis ensemble…

Je n'avais que six ou sept ans… Je revois vaguement la marche quotidienne, aller-retour, de la rue Hinchey dans Mechanicsville, jusqu'à l'école de la rue Stirling. Les arrêts occasionnels, à l'automne par exemple, pour ramasser des cerises noires (chokecherries) qui nous laissaient la bouche pâteuse et qu'on mangeait avec du sel… L'hésitation avant de traverser la voie ferrée quand on entendait le sifflet des vieilles locomotives à vapeur qui quittaient ou arrivaient à la gare du Canadien Pacifique, tout près… Le coup d'oeil dans les deux directions avant de traverser la rue Scott, où les voitures étaient plus nombreuses et où des conducteurs avaient parfois le pied pesant… Le bruit animé de la cour d'école, en attendant la cloche et l'entrée en classes…

D'autres qui y sont allés plus longtemps que moi, et à un âge plus avancé de leur enfance, pourraient certainement aligner des tonnes de souvenirs de l'école Saint-François d'Assise… Je souhaite que certains prennent la plume et le fassent… c'est une invitation que je leur transmets… J'ai retrouvé sur le site Web de la commission scolaire actuelle un texte fort intéressant (signé par le collègue du Droit Denis Gratton - http://bit.ly/1gdwSAE) sur l'école actuelle de la rue Melrose. Il serait intéressant de rédiger une histoire d'anecdotes des époques antérieures, quand l'école était réservée aux garçons et que le quartier avait une tout autre allure qu'aujourd'hui…

Cela ferait une lecture savoureuse !

                        On voit toujours la date « 1933 » sur la façade

2.
Extrait du livre du centenaire de la paroisse Saint-François d'Assise, 1890-1990

«En 1933, la paroisse comptait quatre écoles, celle de Saint-François d'Assise de la rue Irving (angle Laurel) et celle du Sacré-Coeur, fréquentées par les garçons, l'école Saint-Conrad, fréquentée par les filles, celle de Saint-Antoine de Mechanicsville, fréquentée par les garçons et les filles des premières années.

L'école Saint-François de la rue Irving avait été bâtie en 1896 et montrait des signes de vieillesse. Elle ne suffisait plus aux besoins de la gent scolaire masculine.

Vu que la paroisse s'était montrée généreuse envers la Commission scolaire aux prises avec le Règlement 17, il lui fut peut-être plus facile d'obtenir la construction d'une nouvelle école en 1933, celle de Saint-François d'Assise de la rue Stirling.

Cette école fut construite en briques, à l'épreuve du feu, par la maison Parley et Grant, selon les plans de l'architecte Lucien LeBlanc. Elle comptait 17 classes et, au sous-sol, un magnifique auditorium.

L'inauguration solennelle eut lieu le dimanche 8 avril 1934. La cérémonie, sous la présidence du paroissien Ernest Desormeaux, fut solennelle. Le délégué de l'archevêché n'ayant pu venir, le Père Euchariste (curé de la paroisse) procéda à la bénédiction de l'école. Il y eut de nombreux discours, dont celui de Domitien Robichaud (président de l'Association des commissaires des écoles séparées de la province d'Ontario), qui se terminait ainsi:

"Paroissiens de Saint-François d'Assise, si vous avez l'honneur et le privilège d'avoir la plus belle école d'Ottawa, vous le devez d'abord aux efforts persistants de votre curé."

Les Frères du Sacré-Coeur prirent la direction de cette magnifique école consacrée aux garçons, qui reçut 432 élèves dès son ouverture. À partir de cette date, l'école du Sacré-Coeur servit aux filles en plus de celle de Saint-Conrad; et la vieille école Saint-François de la rue Irving fut abandonnée.

Le curé sollicita de la commission scolaire l'autorisation d'utiliser la cour de cette vieille école de la rue Irving pour les jeux de tennis en faveur des jeunes de la paroisse. La permission fut accordée en 1935, et nos jeunes y ont joué au tennis pendant plusieurs années.

Les Frères quitteront l'école Saint-François de la rue Stirling en 1966, parce que la Commission scolaire n'y laissait que les élèves de l'école primaire et envoyait les grands du secondaire à l'école régionale Mgr-Lemieux. L'école elle-même fermera ses portes en 1983, après 50 ans de bons services, et les élèves seront dirigés vers l'école Holy Rosary de la rue Melrose, rebaptisée école Saint-François. 


                        Vue de la cour d'école, de la rue Carruthers

3.
On ne le saurait pas aujourd'hui, mais de la fin du 19e siècle jusqu'aux années 1960, l'école Saint-François d'Assise était située au coeur d'un quartier authentiquement francophone. Entre Parkdale et Bayview, de la rue Wellington à la rivière des Outaouais, la langue de la rue était le français. La rue Scott marquait la frontière entre Saint-François et Mechanicsville. Jusqu'à l'ouverture de l'école Notre-Dame des Anges en 1954, dans Mechanicsville, l'école Saint-François desservait «les deux côtés de la track»…

J'ai retrouvé dans les dossiers du cercle Saint-François d'Assise de l'AJFO (Association de la jeunesse-franco-ontarienne), qui a existé de 1957 à 1967, une liste des paroissiens de Saint-François d'Assise, par adresse civique, compilée à la fin de 1963. Avec la croissance du complexe fédéral de Tunney's Pasture, le quartier avait déjà commencé à se transformer, des édifices à appartements grignotant les propriétés traditionnelles. De vieilles familles déménageaient déjà ailleurs. Une dizaine d'années plus tard, les changements seraient dramatiques.

Mais fin 1963, l'école trônait toujours sur une communauté canadienne-française enracinée. Voici une liste des paroissiens (les femmes mariées sont habituellement exclues, habitudes de l'époque…) vivant autour de l'école Saint-François d'Assise, sur les rues Stirling (à côté et en face de l'école), ainsi que sur la rue Carruthers, derrière l'école, faisant face ou à côté de la cour d'école.

Rue Stirling (adresse de l'école - 12 Stirling)

9 - Gérard, Napoléon, Ronald, Léo et Roger St-Louis
15 - Joséphine Lorrain
17 - Bernard Van Ness
21 - Edgar Rolland
23 - Émilien Chartrand
27 - Roger Chartrand
28 - Rodolphe Poirier
28 1/2 - Jean-Louis Cantin
29 - Dame Royal Brazeau
29 - Alphonsine Prud'homme
30 - Claude, Martin et Donald Villeneuve
32 - Rosaire Boudreau

Rue Carruthers (au sud de Scott)

164 - Roméo Guilbeault
164 - Régina Laberge
164 1/2 Raynald Leduc
166 - Jean-Louis Boissonneault
166 - Dame Charles Guigues
168 - Joseph et Ronald Levac
172 - Jean-Louis Dumais
174 - Henri Séguin
174 1/2 - Bernard Séguin
178 - Georges Charbonneau
178 - Ernest Lalonde
185 - Claude Laflamme
188 - Dame Lucia, Jeannine et Gérard Trempe
188 - Roland Auger
189 - Achille Mallette
189 - Gérard Cantin






2 commentaires:

  1. Merci Pierre pour ce billet très intéressant !

    Je note l'adresse. J'irai faire un tour pour croquer quelques images avec mon Nikon et mon iPod.

    Chers ami.e.s. fotographes, du CPPO, etc. :
    matière ici pour quelques bonnes sessions de fotos, non ?


    www.flickr.com/gerarddelisle

    ..
    Club de photographie Polarisé de l'Outaouais (CPPO)
    www.clubphotopolarise.org

    Intéressé(e)s par les archives franco-ontariennes ?
    À explorer à tout prix : Centre de recherche en civilisation canadienne-française | Université d'Ottawa
    www.crccf.uottawa.ca

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  2. Merci beaucoup Pierre. Très intéressant! Le nom de mon père ne figure pas au 178 Carruthers...j'y ai vécu une douzaine d'années.

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