mercredi 22 octobre 2014

Université franco-ontarienne: le message du recteur Allan Rock et le silence médiatique



La sortie médiatique (mardi 21 octobre) du recteur de l'Université d'Ottawa, Allan Rock, était sans doute prévisible. Cela ne réduit en rien son éclat. L'université bilingue de la capitale fédérale abrite déjà plus de la moitié des Franco-Ontariens qui poursuivent des études universitaires en français en Ontario. Elle est en position de force… une force quasi dominante. Et le recteur n'y va pas par quatre chemins. Je le cite :

«Les francophones de tout l'Ontario ont déjà leur université: c'est l'Université d'Ottawa.» Et pour être bien sûr que tous ont compris le sens du message, il conclut: «J'invite tous les Franco-Ontariens à soutenir leur université, un endroit où la formation en français rime avec excellence, plutôt que de songer è créer un nouvel établissement qui pourrait mettre longtemps à atteindre les normes de qualité que notre université a si bien su établir et promouvoir.»

L'enjeu est de taille, déclarait le président de l'Assemblée de la Francophonie de l'Ontario, Denis Vaillancourt, après le sommet récent sur les études postsecondaires en français, puisqu'il s'agit de créer un «projet de société». Bâtir une institution universitaire «à notre image, qui respirera ce que nous sommes», ce n'est pas n'importe quoi. C'est un projet pour l'ensemble de la collectivité franco-ontarienne. Voilà ce que vient de torpiller M. Rock. Ne perdez pas votre temps, dit-il: vous l'avez déjà, votre université. Soutenez-la, plutôt que de «songer à créer» autre chose…

Arrivant quelques semaines après la déclaration de la ministre Madeleine Meilleur, qui ne veut pas d'université de langue française à Ottawa (l'Université d'Ottawa sert bien les francophones, selon Mme Meilleur), la torpille du recteur Rock pourrait bien achever le projet d'université franco-ontarienne (celui d'une vraie université, pas quelques programmes dans le sud ontarien), à moins d'une réaction forte et immédiate de ceux et celles qui ont tant investi depuis deux ans pour mobiliser l'opinion et faire bouger les autorités à Queen's Park.

Pour le moment, c'est le calme plat. Les médias, pour des motifs qui m'échappent, n'ont même pas rédigé de nouvelles après la déclaration du recteur Allan Rock. Que les médias anglophones aient échappé cette «bombe» n'a rien de surprenant puisqu'ils s'intéressent peu au dossier et que le message de M. Rock n'a été rédigé et expédié qu'en français. A-t-il été envoyé seulement aux médias de langue française? En tout cas, il n'est publié qu'en français sur le site Web de l'Université d'Ottawa (même dans les pages Web anglaises)…

Mais que les médias de langue française - en particulier Le Droit et Radio-Canada - n'en aient pas fait une manchette dès mardi relève de (ici je m'autocensure pour ne pas écrire des mots que je pourrais regretter). Je me contenterai de citer ce qu'écrivait récemment l'éditeur du Droit, Jacques Pronovost, au sujet du rôle du Droit en matière de préservation et de promotion de la langue française dans un milieu où la langue anglaise est omniprésente: «Là est son défi, là est sa lutte, là est sa fierté.»

Quant aux autres médias de langue française, et en particulier les quotidiens du Québec (peut-être à l'exception du Devoir), ainsi que les grandes chaînes de télé, leur indifférence à l'endroit des francophones hors-Québec est légendaire…

Présence médiatique au Bureau des gouverneurs

Il faut dire que l'Université d'Ottawa a su cultiver ses liens avec les médias en accueillant au sein du Bureau des gouverneurs des personnalités médiatiques. L'éditeur actuel du Droit, Jacques Pronovost, y siège, comme ses prédécesseurs. Et n'allez pas croire que la présence médiatique se limite au Droit. Le Bureau des gouverneurs de l'Université d'Ottawa compte présentement (selon la liste sur le site Web) cinq membres des médias. On y trouve notamment Suzanne Morris, vice-présidente de CBC/Radio-Canada; Paul Sarkozy, vice-président, marketing et ventes, de l'Ottawa Citizen; Jeffrey Simpson, chroniqueur politique aux affaires nationales du Globe and Mail; et Michel Picard, ancien chef d'antenne à Radio-Canada et maintenant associé à UniqueFM (94,5FM).

Les chances d'un conflit d'intérêt, il faut l'avouer, restent minces et je doute fort que ces liens aient eu quelque influence sur le traitement du dossier précis qui m'intéresse, celui de l'université franco-ontarienne. Mais je pense qu'il y a lieu de s'interroger sur cette situation, les médias étant appelés à couvrir et à commenter les agissements de l'Université. Que l'institution désire avoir dans son groupe de gouvernance des membres des médias, je peux comprendre. Que ces derniers acceptent... cela pourrait être l'objet d'un bon débat.

Encore une fois, et je veux être très clair là-dessus, ces gens remplissent sans doute leur mandat avec compétence et intégrité. À une personne comme Michel Picard (je ne connais pas vraiment les autres), je donnerais l'absolution sans question, sans confession. Non, il s'agit plutôt de s'interroger sur la portée des liens personnels et institutionnels qui pourraient finir par se tisser entre les médias et l'Université; sur l'opportunité d'associer des gens des médias comme décideurs de l'Université, comme membres d'un groupe intime où ils ont l'occasion de côtoyer régulièrement le recteur Allan Rock, qui siège lui aussi au Bureau des gouverneurs.

Donc...

Résumons. L'Université d'Ottawa, le joueur le plus important au postsecondaire en français, a sorti ses gros canons en début de semaine. Le gouvernement Wynne appuie le principe de l'université franco-ontarienne du bout des lèvres et la ministre Madeleine Meilleur semble être sur la même longueur d'ondes que le recteur Allan Rock. Les étudiants et leurs partenaires sont unis sur le principe de la gouvernance mais divisés sur la forme que pourrait prendre une éventuelle université de langue française. Et ce silence… 






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