mercredi 27 mai 2015

Éthique: l'impasse PKP...

Je ne voudrais surtout pas qu'on m'accuse d'être l'auteur «d'une action ou d'une parole destinée à tromper sur mes sentiments ou sur mes intentions véritables» (extrait du dictionnaire Larousse, provenant de la définition d'un mot que je vous laisse deviner…).

Allons donc droit au but, sans détour. Le principe en cause - le seul - m'apparaît être le suivant: personne ne veut, avec raison, qu'un baron de la presse puisse à la fois contrôler le gouvernement (ou même un parti politique) et un empire médiatique, et surtout que ce même baron de la presse puisse utiliser son empire médiatique pour appuyer ses projets politiques et manipuler l'opinion publique.

Mais pourquoi cette question se pose-t-elle avec tant d'acuité, alors que les enjeux entourant les liens - ouverts ou occultes - entre presse et politique font l'objet de débats parfois intenses depuis près d'un demi-siècle? Trois lettres majuscules: PKP. Hier patron de l'empire Québecor, aujourd'hui chef du Parti Québécois, Pierre-Karl Péladeau pourrait devenir en 2018 premier ministre du Québec.

La question devrait pourtant être simple: comment faire en sorte que M. Péladeau (ou tout autre grand propriétaire de médias d'information) ne puisse, advenant son élection au gouvernement, exercer un contrôle sur ses organes de presse. Le code d'éthique de l'Assemblée nationale prévoit cette situation et exige qu'un député devenu ministre place ses intérêts d'entreprise dans une fiducie sans droit de regard, ce que M. PKP accepte de faire. Question réglée? Non…

Ce n'est pas suffisant, disent ses adversaires (ainsi que quelques amis politiques) et nombre de commentateurs et analystes, qui disent craindre que cet écran puisse être perméable… Hier encore, les porte-paroles des autres formations politiques étaient tranchants. Pierre Moreau, ministre libéral, et Amir Khadir, de Québec solidaire, affirment que le chef péquiste doit vendre son entreprise ou quitter la politique! François Legault lui permettrait tout au plus de conserver Vidéotron…

C'est donc dans cette ambiance de positions tranchées et apparemment irréconciliables que l'Assemblée nationale entreprend l'étude du cas PKP au regard des exigences du code d'éthique. Le problème c'est qu'en matière d'éthique, nos députés - de toutes formations - jouent dans la boue depuis tellement longtemps que tous, toutes sont éclaboussés, soit parce qu'ils, elles en ont lancée, soit parce qu'ils, elles en ont reçue (ou les deux)…

Voici ce qui me chicote le plus dans cette affaire, et je fais ici un effort surhumain pour croire que les porte-parole libéraux, caquistes, solidaires et péquistes sont le moins souvent possible auteurs «d'actions ou de paroles destinées à tromper sur leurs sentiments ou sur leurs intentions véritables»:

* Un magnat de la presse qui se lance en politique, sur la place publique, aux yeux de tous, toutes, me semble bien moins dangereux sur le plan de l'éthique que celui ou celle qui reste dans ses conseils d'administration, tire en coulisses les ficelles d'un gouvernement formé d'amis ou d'alliés, et l'appuie dans ses publications.

* Nous avons en place un conseil de presse, des chercheurs, des fédérations professionnelles et syndicales, le personnel des médias et leurs conventions collectives, ainsi que des médias concurrents - traditionnels, alternatifs, sans oublier les réseaux sociaux. PKP (ou tout autre) sera scruté à la loupe.

* Ceux et celles qui soupçonnent PKP d'être une menace pour l'éthique risquent de ne jamais être satisfaits, même s'il se départit de ses actions dans Quebecor. Il se trouvera toujours quelqu'un pour croire qu'il existe toujours des liens occultes avec les nouveaux propriétaires…

* Pierre-Karl Péladeau reste à la base un citoyen comme les autres, en dépit de sa fortune. Sur le plan juridique, tous les citoyens doivent être traités également, même s'ils sont propriétaires d'entreprises médiatiques et siègent à l'Assemblée nationale. Les règles d'éthique doivent être façonnées en fonction de principes et non pour viser un seul individu. Et si la règle à respecter est celle de la fiducie sans droit de regard, alors ainsi soit-il.

* Le PQ a demandé de convoquer d'autres patrons de presse, y compris les frères Desmarais de Power/Gesca, pour parler d'éthique et d'indépendance journalistique devant les députés de l'Assemblée nationale. En dépit de l'évidente stratégie politique derrière cette manoeuvre (en réponse à l'évidente stratégie politique des autres), elle a du mérite. J'ai eu l'occasion de tester le droit d'expression sous Gesca…

Pour le moment il ne semble y avoir aucun terrain d'entente possible entre les partis. Le potentiel de crise est élevé. Et la démocratie de notre demi-État, déjà malmenée, risque d'en sortir perdante...







1 commentaire:

  1. Je ne peux qu'être 100% d'accord avec chaque mot de votre article, mais il ne faut pas oublier qu'un ancien premier ministre du Canada a avoué que les fédéraux, et ceux qui les appuient, sont en guerre et qu'à la guerre TOUT EST PERMIS contre ceux qui veulent faire du Québec un pays.

    Alors je m'attend à TOUTES les vacheries imaginables. Souvenons-nous de Lord Durham et des sbires, anglos ou même francos, qui ont suivis. Combien de gens ont été emprisonnés ou tués depuis 250 ans. Le SEUL objectif, l'assimilation des francos. Réveiillons-nous avant qu'il ne soit trop tard. C'est à suivre avec BEAUCOUP d'attention.

    Gilles Sauvageau

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