jeudi 27 août 2015

Quand on s'improvise guide touristique...

Pour quelques jours, la semaine dernière, en pleine canicule avec des températures ressenties autour de 40 degrés, je suis devenu guide touristique pour des amis de France (la soeur de mon gendre originaire de Rouen, son mari et leurs deux grands garçons). Ils avaient passé quelques semaines dans la région montréalaise, visité la région de Québec et même poussé une pointe jusqu'à la ville de New York… Avant leur retour en Normandie, nous les avions invités - ainsi que ma fille, mon gendre et leurs enfants - à passer quelques jours chez nous, à Gatineau, et je m'étais engagé à les accompagner, entre autres, au centre-ville de la capitale canadienne.

La Colline parlementaire vue du Musée de l'histoire, à Gatineau

J'espère que ce qu'ils ont vu et entendu leur a plu, même si notre baragouinage parfois «joualisé» ou anglicisé doit être difficile à comprendre pour des Français, mais ce que je peux dire, c'est que ces trois journées auront été toute une révélation pour moi. Entre ce que l'on croit connaître de son coin de pays, parce qu'on y a grandi (Ottawa étant ma ville natale), et ce que l'on en sait vraiment (du moins assez pour l'expliquer à un visiteur), il y a loin de la coupe aux lèvres…

Voici donc quelques faits saillants de mes explorations (probablement différents de ceux de nos visiteurs):

1. À Ottawa, nous avons garé les voitures dans un stationnement municipal du Marché By, dans la Basse-Ville, pour ensuite faire le trajet jusqu'à la colline parlementaire (un peu plus d'un km) à pied. Vers les 10 heures du matin, le mercure frisait déjà les 30 degrés (sans doute plus près de 40 avec l'humidex), et vous aurez deviné qu'entre la Basse-Ville et la Colline parlementaire, on grimpe sans arrêt. Quand je suis arrivé devant le Parlement, j'étais trempé de sueur, et j'aurais presque vendu mon âme pour une bonne bouteille d'eau froide…

Le Parlement (édifice du centre, avec la Tour de la paix)

2. L'important, si vous voulez visiter le Parlement, c'est de savoir que les billets d'entrée (gratuits) sont offerts selon le principe «premier arrivé premier servi» et qu'il faut invariablement faire la file au centre des visiteurs sur la rue Wellington (en face du Parlement). Nous avons eu nos billets vers 10 h 30 et la prochaine visite en français était annoncée pour 11 h 40… On cherche l'ombre… l'eau, les toilettes… Mais 11 h 40 n'est que l'heure du rassemblement. Il faut ensuite entrer dans l'édifice et subir une fouille plus complète que dans un aéroport… Ça prend du temps… Ce n'est qu'après qu'on commence à déambuler dans les corridors du Parlement… On est arrivé au resto pour le lunch à 14 h…

3. J'accompagnais ma fille Catherine qui demeure à Montréal avec Grégory Lefebvre, son époux français, ainsi que sa soeur Coralie, son mari et leurs deux enfants adolescents, tous de France. Alors imaginez mon inconfort quand notre guide, gentil par ailleurs, nous annonce qu'il va commencer par «s'introduire», pour ensuite nous parler des «députés fédérals». Il me semble que les patrons de ces visites de bâtiments officiels devraient vérifier la qualité du français parlé de leurs guides… J'ai la certitude que nos visiteurs n'ont guère compris plus de la moitié de ce qu'il racontait…

La bibliothèque du Parlement

4. Ayant déjà travaillé comme courriériste parlementaire à Ottawa pendant quelques années, j'avais, jadis, arpenté ces couloirs, ainsi que la Chambre des communes et le Sénat. Mais je n'avais jamais mis les pieds à la bibliothèque du Parlement, et je dois avouer que c'est un endroit magnifique. Un incontournable. J'ai par ailleurs appris qu'il fallait enlever son chapeau en entrant au Sénat mais pas à la Chambre des communes. Pourquoi? Le guide n'était pas sûr… Question de respect pour la salle qui accueille la reine lors de ses visites officielles? Raison de plus pour garder son chapeau…

Les musiciens de la Relève de la garde (40 degrés avec l'humidex…)

5. N'ayant pu en un seul matin visiter le Parlement et voir la relève de la garde, cérémonie haute en couleur faite sur mesure pour le tourisme, nous sommes revenus le lendemain matin (encore sous une chaleur écrasante) pour voir parader les soldats (et leur fanfare) vêtus de l'uniforme d'apparat rouge et des immenses casques en poil d'ours. Le tout dure près d'une heure pour ces vaillants militaires et je dois dire que j'ai été impressionné. Aucun n'a flanché sous un soleil de plomb et le brancardier qui les accompagnait n'a eu personne à secourir…

6. Nous avons lunché au restaurant Blue Cactus, au Marché By, en face des bureaux de mon ancien employeur, Le Droit. Bonne bouffe, menus en français sur demande, et un serveur asiatique au français impeccable. Avis aux intéressés: dans le territoire d'un kilomètre carré du «Marché», il y a plus de 80 restaurants et cafés… sans oublier les étals bien garnis de fermiers de la région, la plupart francophones… Nous avons aussi savouré un café au «Moulin de Provence» (ça ne fait pas très Ottawa…), toujours au Marché By… Les pâtisseries y sont décadentes…

Une partie des totems de la grande galerie (Musée de l'histoire) 

7. Au Musée canadien de l'histoire (ancien Musée des civilisations), à Gatineau (séparé du Parlement par la rivière des Outaouais), la Grande Galerie remplie de totems autochtones de la côte du Pacifique a de quoi impressionner… Je l'avais déjà vue, mais cette fois j'ai pris le temps de regarder de près et de lire… Juste ça vaudrait le prix d'entrée. Je ne peux en dire autant de l'exposition sur les Patriotes de 1837 et la Confédération de 1867, aseptisée au point d'avoir perdu une grande partie de son potentiel d'impact…

Sous le pont couvert de Wakefield (rivière Gatineau)

8. Nous avons poussé une pointe jusqu'au secteur Wakefield de la municipalité de La Pêche, au nord de Gatineau. Des tas de choses à voir en marchant sur le chemin Riverside, le long de la rivière Gatineau, mais prenez le temps de traverser la rivière (route 366) et d'aller voir de près le pont couvert de Wakefield, reconstruit en 1997 après avoir été détruit par le feu. Il se trouve encore des anglophones du coin pour prétendre que l'incendie avait été allumé par des francophones de Masham, ces derniers voulant se venger des Anglos opposés au nom français de La Pêche pour la ville fusionnée… Le pont est charmant, et réservé aux piétons… La vue de la rivière Gatineau est splendide…

9. Passant par l'ancien village d'Old Chelsea, qui remonte aux années 1825, on y trouve des vestiges de la première moitié du 19e siècle, y compris un cimetière protestant que l'on avait voulu macabre «pour rappeler aux vivants les tourments éternels auxquels ils s'exposaient dans l'autre monde»*. Y est enterré entre autres le pasteur Asa Meech (1775-1849), qui a donné son nom au célèbre lac où fut négocié l'accord constitutionnel de 1987 (Accord du Lac Meech), vu par plusieurs comme aussi macabre que le cimetière d'Old Chelsea… Il y a aussi près de Duclos (La Pêche) un cimetière protestant canadien-français du 19e siècle, chose rarissime dans notre contrée jadis ultra-ctholique…

La patate à Carlo, style années 50...

10. On ne peut passer à Ste-Cécile de Masham (La Pêche) sans s'arrêter au mythique «La patate à Carlo», dont les hot dogs, burgers et frites ont une juste renommée. Coralie, la soeur de mon gendre rouennais, y commanda entre autres un burger et la jeune demoiselle au comptoir de lui répondre: «All dress?» Et Coralie de se tourner vers nous et de dire: «Traduction?» Il faut avouer que cet anglicisme majeur s'est faufilé dans notre langage et est aujourd'hui employé à toutes les sauces… Il sera difficile de convaincre les gens de remplacer l'expression par «garni» ou autre chose…


Finalement, j'ai eu beaucoup de plaisir à visiter MA région, que je ne connais pas suffisamment. Ces trois jours en plaisante compagnie m'auront convaincu, entre autres, de repartir à sa découverte de temps en temps… Sait-on jamais, je pourrais devenir guide touristique...


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* info trouvée dans L'autre Outaouais, Guide de découverte du patrimoine, par Monique Leroux, Éditions Pièce sur pièce, 2012.



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