lundi 8 février 2016

Des clochers numériques pour l'Amérique française...

Photo Wikipédia d'Alfred et de son clocher...

Quand je reviens de Montréal à Gatineau par la vieille route 17 ontarienne, j'ai toujours hâte d'arriver dans la longue droite qui annonce au loin le village franco-ontarien d'Alfred. Dès qu'on sort de la dernière courbe du village précédent, L'Orignal, on aperçoit à l'horizon le clocher de l'église St-Victor d'Alfred. Je trouve toujours cela réconfortant, de voir ce clocher surmonté d'une croix, indice sûr d'un patelin canadien-français, même en Ontario. Un petit chez-nous entouré de champs et de boisés…

Ces clochers, nos ancêtres en ont construits un peu partout en Amérique du Nord, principalement dans le bassin du Saint-Laurent mais aussi en Acadie, à l'ouest de l'Outaouais, même dans certains coins des États-Unis. Et pas seulement en campagne. N'appelait-t-on pas Montréal la ville aux cent clochers? Dans ma ville natale, Ottawa, c'était pareil. Le double clocher de l'église St-François d'Assise trônait sur sa communauté francophone tricotée serrée, malheureusement dissolue au cours du dernier demi-siècle.

Dans toutes ces localités, les gens avaient conscience - par les homélies du curé, par les leçons d'histoire à la «petite école» - d'une origine culturelle commune, et d'un certain passé partagé. Mais au-delà de quelques épopées rassembleuses, d'une langue aux accents variés selon les villages et d'une foi commune (les vieux s'en souviennent), ils ne se connaissaient pas vraiment d'un clocher à l'autre. L'univers gravitait souvent autour de la paroisse qui suscitait un grand attachement. On parlait volontiers «d'esprit de clocher» pour désigner ces liens étroits au sein du territoire paroissial...

Au 20e siècle, les médias électroniques - radio, télé, Internet - ont créé des carrefours accessibles en temps réel à toutes ces gens, peu importe le lieu de leur clocher. À Natashquan comme à Valleyfield, à Maillardville comme à Hearst comme à Chéticamp, on peut voir ou entendre le même bulletin de nouvelles. Cependant, jusqu'à l'arrivée de médias sociaux de type Facebook ou Twitter, les débats d'actualité restaient largement un spectacle auquel (sur le plan médiatique) nous assistions, qui nous était retransmis. Le lien entre le centre et les clochers n'était pas vraiment bidirectionnel…

Maintenant tout a changé! J'offre en exemple les Franco-Ontariens, que j'ai bien connus. À l'époque où je militais dans des organismes de jeunesse de l'Ontario français, rejoindre depuis Ottawa les gens de localités éloignées comme Kapuskasing, Windsor ou Sault Ste-Marie était excessivement difficile. Dans cette province grande comme un pays, comme au Québec sans doute, d'une région à l'autre les clochers communiquaient peu entre eux. L'étudiant(e) de Welland restait un étranger pour l'étudiant(e) de Sudbury…

Aujourd'hui, l'Internet est devenu un lieu de rencontre accessible au type de Welland comme à celui ou celle de Sudbury… Il y a quelques années, quelqu'un a eu l'idée de créer une page Facebook intitulée Fier d'être Franco-Ontarien / Fière d'être Franco-OntarienneÀ la mi-février 2016, la page compte plus de 4700 adhérents* et est devenue un lieu de discussion et de communication privilégié pour des francophones ou francophiles de dizaines de clochers urbains et ruraux, du sud au nord, d'est en ouest. C'est un outil identitaire majeur.

D'autres pages du genre se sont créées. Les Elles du Nord regroupe des femmes du Nord ontarien. D'autres groupes Facebook à saveur franco-américaine ont aussi vu le jour, tels Great Lakes French Canadians et French-Canadian Descendants. Chacune de ces pages attire des milliers de personnes de plusieurs États américains de la région des Grands Lacs et de provinces canadiennes, y compris du Québec. L'efficacité de ces pages est désormais démontrée. Il y a là un terreau fertile de communication, d'information et de débats pour l'ensemble de la francophonie québécoise, canadienne et nord-américaine.

Quant à moi, j'aimerais bien voir apparaître une page de discussion sur les grandes orientations de nos francophonies, sans exclusions, dans une ambiance d'échange franc et poli. On pourrait y aborder autant le projet de souveraineté québécoise que la mobilisation pour une université franco-ontarienne, ou encore les manifestations culturelles franco-américaines, ou les liens entre les différentes collectivités acadiennes… Un carrefour pour un futur réseau de libres-penseurs, d'universitaires, de syndicalistes, d'étudiant(e)s, de retraité(e)s, de journalistes, de blogueurs, de chercheurs, bref toute personne intéressée à informer ou s'informer, à écouter ou intervenir, à prendre ou à contribuer…



Peut-être cela pourrait-il prendre la forme d'une page Facebook thématique ou d'un mot-clic sur Twitter, ou autre chose. Je ne sais pas mais j'y pense et d'autres y pensent aussi. Entre-temps, un nouveau mot-clic existe déjà qui pourrait servir à rassembler nos clochers de l'Amérique française. Il s'agit de #AmFr, que quelques-uns d'entre nous utilisons depuis quelques semaines et que chacun, chacune pourrait accrocher à ses cloches média-sociales pour indiquer qu'il vient de se créer là un lieu spontané de rassemblement pour internautes intéressés…

La télévision franco-ontarienne (TFO) utilise déjà un mot-clic, #OnFr, pour identifier à la fois une émission de télé et sa page Twitter.

L'invitation est lancée pour l'utilisation du mot-clic #AmFr, ainsi que pour la création éventuelle, sur la plate-forme Facebook, d'un réseau de discussion sur la francophonie nord-américaine. Un nouveau clocher de l'ère numérique?

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* Au 9 janvier 2020, le groupe «Fier d'être franco-ontarien» compte 11 580 membres; «Je suis franco-ontarien», près de 24 000 membres; «Elles du Nord», plus de 5 000.
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Un lien intéressant:

Du nouveau en Franco-Amérique: un virage numérique. http://bit.ly/23VxmRu

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