lundi 29 février 2016

Université franco-ontarienne: le projet torpillé...


Quelques jours après s'être excusé officiellement d'avoir tenté d'«ethnocider» les Canadiens français de l'Ontario en abolissant leurs écoles, il y a de cela plus d'un siècle, le gouvernement ontarien a bien mal entrepris cette nouvelle ère de réconciliation «officielle» avec sa francophonie en torpillant - plus ou moins - ce qui restait du beau rêve d'étendre la gouvernance franco-ontarienne au palier universitaire.

Dans les pages du Droit, sous un titre optimiste qui cache une sombre réalité (voir http://bit.ly/21zGPMe), la ministre ontarienne des Affaires francophones, Madeleine Meilleur, confirme que le mieux que la minorité franco-ontarienne puisse espérer, c'est la possibilité d'une mini-université autonome dans la région de Toronto… un coin de la province où la langue française sera toujours marginale et où l'on peinera à trouver une masse critique suffisante d'étudiants et d'étudiantes pour en assurer la survie à long terme…

Et ça, c'est à supposer qu'il y ait de l'argent dans les coffres à Queen's Park et qu'un comité d'experts (dont je viens d'apprendre l'existence…) donne son aval à un projet quelconque et, bien sûr, que le conseil des ministres l'entérine. Je n'en reviens toujours pas, de cette citation attribuée par la journaliste Huguette Young, du quotidien Le Droit, à la ministre Meilleur:

«Je pense que le comité va recommander que ce soit Toronto pour la simple et unique raison que la communauté francophone grandit à cet endroit. Ce n'est plus dans l'Est, c'est à Toronto.»

Oublions le fait que la grande majorité des étudiants francophones à l'universitaire soient sous la coupe d'institutions bilingues anglo-dominantes, principalement à Ottawa mais aussi à Sudbury...

Oublions le fait qu'il n'existe pas à Toronto de «communauté» francophone au sens où elle l'entend, et que les atomes de langue française dispersés dans la métropole canadienne y auront toujours un poids négligeable ainsi qu'un taux d'assimilation dramatique…

Oublions le fait que durant deux années de consultations par le RÉFO (Regroupement étudiant franco-ontarien) et ses alliés (AFO, FESFO), «la gouvernance a toujours été le fil conducteur des discussions»… pas la gouvernance d'une micro-institution dans la Ville-Reine, mais une gouvernance francophone de l'ensemble de l'universitaire, comme au collégial, au secondaire et au primaire…

Non… Mme Meilleur informe les intéressés, comme si c'était évident, qu'il n'y a plus de croissance franco-ontarienne dans l'est de la province, y compris Ottawa… Elle avait déjà déclaré son opposition à une université de langue française à Ottawa… Voilà que maintenant elle joint sa voix à ceux et celles qui craignent que l'Université bilingue d'Ottawa risque de souffrir d'une concurrence à Toronto, les rassurant que ce ne sera pas le cas… Incroyable!

Et avis à Allan Rock, le recteur sortant du monstre sacré de la Côte-de-Sable, lui qui écrivait dans les pages du Droit que les Franco-Ontariens n'avaient pas besoin d'université bien à eux, qu'il en avaient déjà une --- l'Université d'Ottawa! Mme Meilleur apporte ses précisions: les jeunes Franco-Ontariens, dit-elle, perçoivent l'Université d'Ottawa «comme une institution bilingue et non comme une université francophone»… Cheminements tortueux…

Alors voilà… Si les fonds le permettent, si le comité d'experts (qui sont-ils?) le recommande, peut-être y aura-t-il une petite université de langue française à Toronto… en prenant bien garde de s'assurer qu'elle ne constitue pas une menace pour les belles et grandes universités bilingues où les francophones sont minoritaires et continuent de s'y faire assimiler…

Alors qu'en est-il de la gouvernance, qui reste le coeur du débat. Comme le disait en 2013 Geneviève Latour, alors présidente du RÉFO, l'important, il s'agit «d'avoir une institution universitaire par et pour les francophones». Tous les chefs de file des organismes franco-ontariens impliqués ont martelé ce même message qui, je présume, ne visait pas seulement l'étalement urbain torontois… Eh bien à entendre Mme Meilleur, la réponse, c'est NON!

On est en train de s'embourber dans un débat de budgets et de structures visant une seule région, et pas la plus importante, loin de là, pour l'avenir de l'Ontario français. Le seul message à relancer à Mme Meilleur et à Mme Wynne, quelques jours après les excuses officielles pour le Règlement 17, c'est que les Franco-Ontariens se moquent bien des problèmes de budgets et de structures. La question de principe est la première et la plus importante à régler: la gouvernance. Par et pour les Franco-Ontariens.

Évidemment, on dira que je suis assis bien confortablement dans ma petite maison à Gatineau, au Québec, où je vous assure cependant que les problèmes vécus par les Franco-Ontariens apparaissent déjà sur nos radars. Mais j'ai participé, dans ma jeunesse franco-ontarienne, à une campagne de francisation de l'Université d'Ottawa… un échec bien sûr… et j'en ai tiré des leçons.

Si j'y étais toujours, je dirais à Toronto que l'universitaire sous gestion franco-ontarienne est une dette traînée depuis trop longtemps, comme l'était la gouvernance aux autres paliers scolaires. Vous nous avez volé - oui, volé - nos budgets pendant 30, 50, 75 et même 100 ans dans certains cas en privant nos réseaux scolaires de ressources. Vous nous avez refusé ce que le Québec francophone avait toujours consenti à sa minorité de langue anglaise. Alors donnez-nous ce qui nous est dû, tout de suite, et ouvrez les coffres. Il y a là-dedans les fruits de vos larcins...

Votre comité d'experts, donnez-lui comme mandat de trouver une formule en vertu de laquelle toute l'offre universitaire de langue française, qu'elle soit à l'Université d'Ottawa, à Laurentienne ou ailleurs, tombe sous l'autorité d'une institution universitaire franco-ontarienne. Et créez-le votre petit campus satellite à Toronto. Ils y ont bien droit eux aussi. On a été trop longtemps habitués à vivre patiemment pour un petit pain. S'il doit en plus être sec…




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